Si je regarde ma vie et que je me pose cette question : « Avoir une stabilité dans ma vie, est-ce important?», en regardant en arrière, je m’aperçois qu’il y a plusieurs années que je ne faisais pas du tout attention à moi. Je faisais ce qu’il fallait pour faire vivre ma famille; j’avais toujours vu mon père travailler deux trois quarts sans jamais arrêter et sans jamais être malade; il fallait qu’il soit vraiment malade sur un lit d’hôpital pour arrêter, ce qui ne fut pas le cas. D’ailleurs, il tomba malade à 58ans après qu’il ait voulu diminuer ses heures : il s’est s’éteint à 66 ans des suites de ses maladies.
Tout comme lui, j’ai suivi le même chemin, ayant trois à quatre emplois en même temps, mais prenant le temps de bercer et de donner le biberon à mes enfants pour donner une chance à mon épouse de se reposer, car pour moi, j’étais debout et c’était le seul moment que j’avais pour les voir.
Les années passaient et je cumulais toujours plusieurs emplois en me disant que c’était mon devoir de père de faire tout ce qui était possible pour faire plaisir à ma famille. Entre-temps, dû au manque de sommeil, j’ai commencé, au début, à prendre une bière pour me permettre de m’endormir, car c’était, selon moi, la seule façon de récupérer une ou deux heures avant de recommencer à travailler.
Vers quarante ans, avec le rythme de vie et la consommation de bières qui augmentait, il arriva ce qui devait arriver : une pancréatite. Après un temps, même si le médecin m’avait dit que c’était l’alcool l’élément déclencheur, je ne voulais pas l’accepter, il a fallu quatre autres pancréatites et deux tentatives avant que je me prenne en main et que j’admette que j’avais un problème.
J’ai commencé par rencontrer une personne, mon ami Bob, qui m’a expliqué qu’il était prêt à m’aider et que, si je voulais arrêter, je le pouvais, mais il fallait que je le fasse ou bien je mourrais. J’ai commencé à aller avec lui chez les Alcooliques annonymes tous les mardis, il y a six ans. J’ai appris beaucoup; avec le temps, j’ai laissé tous mes emplois superflus, j’ai commencé à mettre de l’ordre dans ma vie, j’ai franchi
plusieurs étapes qui m’ont amené à apprendre bien des choses : avoir une stabilité dans ma vie, à me connaître, à m’aimer, à connaître mes limites, à changer mon mode de vie, à dormir, à me détacher de certaines choses, à me pardonner, à faire des choses que j’aime, à découvrir des passe-temps, à m’apprécier pour ce que je suis, à aider les autres, selon mes limites et, surtout, à vivre pleinement en étant l’homme le plus heureux d’avoir changé et à apprécier à tous les jours le bien que cela me fait.
J’ai beaucoup appris de mes erreurs et de celles de mon père car, voyez-vous, on vit selon ce que l’on nous a souvent montré, mais je ne veux pas que vous pensiez ni cherchiez à trouver un coupable, car on fait ce que l’on peut avec ce que l’on a reçu. Mon père était un grand homme, il avait appris de son père qu’il ne fallait jamais se plaindre, qu’il fallait travailler d’une étoile à l’autre, tout faire pour faire plaisir aux autres. Il avait un grand cœur plus grand que ses culottes, il ne buvait pas, ne fumait plus depuis trente ans et il est disparu quand même. J’ai suivi ses traces en mettant tout mon cœur et parfois trop.
Avec l’alcool, j’ai pris un chemin différent de lui, mais avant que cela finisse de la même manière que lui, j’ai pris ma vie en main, j’ai arrêté de tout garder au fond de moi et de prendre tout sur mes épaules. Je me suis donné une stabilité dans ma vie : un temps pour chaque chose et une chose pour chaque temps.
Alors quand est venu le diabète, je n’étais pas du tout surpris. J’ai accepté mes erreurs du passé et j’ai pris la même méthode que quand j’ai arrêté de consommer : un jour à la fois sans brûler d’étapes. Bien sûr, le fait d’avoir changé mon mode de vie m’aide à accepter et à m’adapter aux changements pour combattre ma maladie et les autres petits bobos de la vie pour que je puisse être en forme et bien dans ma peau. Cela n’est pas toujours facile, mais je réussis à continuer d’apprécier la vie et d’affirmer que c’est beau, la vie! Je le fais pour moi et non pour les autres. Bien sûr, ils voient et apprécient ce que je fais ; quand nous sommes heureux, cela se transmet autour de nous et il fait bon vivre.
Pour moi, je ne trouvais pas cela si compliqué, car je respectais déjà l’horaire bien établi de me lever et de me coucher. J’ai dû apprendre à m’alimenter à des heures fixes, cela non plus ne fut pas trop difficile, mais cela demande des ajustements avec les autres membres de la famille. Puis est venue l’activité physique : j’ai dû réfléchir pendant toute la session au moment opportun de ma marche et j’ai trouvé que cela était mieux pour moi, et les autres, le soir.
Pour le reste, cela entrait très bien à l’intérieur de la journée. Je suis sûr que j’aurai d’autres changements à apporter dans mon horaire, car je n’ai pas fini de faire le tour, et ce, après 1 an et 3 mois d’apprentissage de la manière d’établir une meilleure stabilité dans la gestion de mon diabète.
Selon mon évaluation, jusqu’ici, je ne prends pas encore de médicaments, mais je suis sûr d’une chose : si je veux garder le plus longtemps possible le fait de ne pas commencer à en prendre, il faut que je respecte mon horaire dans mon nouveau mode de vie. Je suis conscient qu’avec le temps, parce que c’est une maladie évolutive, j’aurai encore plus besoin de respecter mon horaire afin d’éviter une tonne de complications.
Avec les années, accepter d’évoluer et accepter les changements font aussi partie de mon mode de vie et je ne suis pas malheureux pour autant, au contraire, je sais profiter plus de la vie maintenant.
De la stabilité à l'immobilisme, il n'y a qu'un pas.
[Jacques Mailhot]
Extrait de La politique d'en rire
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